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16 Juin 2024: « L’éducation pour tous les enfants en Afrique : l’heure est venue »

À l’occasion de la Journée de l’enfant africain, l’Office International de l’Enseignement Catholique (OIEC) et le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) s’associent pour souligner l’un des défis du continent africain : l’éducation de tous ses enfants.

L’éducation est reconnue universellement comme un droit fondamental, essentiel à l’émancipation des êtres humains et au développement des sociétés. En Afrique, ce droit reste malheureusement inaccessible pour un grand nombre d’enfants, entravé par des obstacles économiques, sociaux, et parfois politiques. Pourtant, en cette Journée de l’enfant africain, nous sommes appelés à renouveler notre engagement et à intensifier nos efforts pour que chaque enfant africain puisse aller à l’école, apprendre et se développer.

Des avancées significatives mais encore insuffisantes

Le thème de cette année, « L’éducation pour tous les enfants en Afrique : l’heure est venue », sonne comme un appel à l’action. Il ne s’agit plus seulement de reconnaître les défis, mais de les relever avec détermination et créativité.

Beaucoup d’engagements, notamment l’initiative mondiale « Éducation pour tous » lancée en 1990 par l’UNESCO, l’entrée en vigueur de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant en 1999 et l’Aspiration 6 (Chaque enfant bénéficie pleinement d’une éducation de qualité) de l’Agenda 2040 du Comité africain d’experts sur le droit et le bien-être de l’enfant ont favorisé l’amélioration de l’accès à l’éducation. Ce qui s’est traduit par une augmentation du budget national dédié à l’éducation et du nombre d’enfants scolarisés, y compris de filles, sur tout le continent. Des mesures ont également été prises pour favoriser l’enseignement gratuit et obligatoire, réduire l’écart entre les sexes en matière de scolarisation dans l’enseignement primaire ainsi que pour fournir des repas scolaires. Plus de la moitié des États ont adopté des politiques d’éducation inclusive1.

Cependant, le concept de l’éducation pour tous ne correspond pas à la réalité pour beaucoup d’enfants africains, notamment en milieu rural. Le continent n’a pas atteint ses objectifs en matière d’éducation universelle et les statistiques de l’UNESCO2 révèlent que 20 % des enfants âgés de 6 à 11 ans, 30 % des enfants âgés de 12 à 14 ans et 60 % des enfants âgés de 15 à 17 ans ne sont pas scolarisés en Afrique. Cela montre que, même si le taux de scolarisation a augmenté, le taux d’abandon scolaire reste élevé.

Les conséquences des crises mondiales

L’impact de la pandémie de covid-19 et de la guerre en Ukraine, a exacerbé les inégalités existantes et mis en lumière la fragilité des systèmes éducatifs. De nombreux enfants ont vu leur éducation interrompue, certains ne retourneront jamais en classe. Cette situation est inacceptable, car l’éducation est le socle sur lequel chaque enfant doit pouvoir construire sa vie et contribuer à la société.

L’accès à l’éducation pour tous

En outre, l’inaccessibilité physique et économique à l’éducation, les conditions précaires d’enseignement (effectifs trop nombreux, matériels et infrastructures défaillants, y compris sanitaires) et le financement insuffisant du secteur de l’éducation restent des obstacles à la réalisation du droit de l’enfant à l’éducation. L’enseignement scolaire, mais aussi la formation professionnelle et l’apprentissage sont concernés. Ainsi, certains groupes d’enfants sont plus affectés que d’autres en termes d’accès à l’éducation, notamment les filles, les enfants en situation de handicap, les enfants déplacés, les enfants en situation de conflit armé, les enfants en conflit avec la loi, les enfants en situation de rue, les enfants sans état civil, les enfants marginalisés et les enfants vivant dans des zones reculées.   

Le mode de fonctionnement et les infrastructures scolaires

Par ailleurs, l’exclusion peut résulter du mode de fonctionnement des établissements d’enseignement. La violence institutionnelle dans les écoles, y compris les châtiments corporels, les notes

« sexuellement transmissibles[1] », le manque d’installations d’hygiène, y compris d’eau potable dans les écoles, les coûts cachés liés à l’enseignement primaire, même lorsque celui-ci est gratuit, et la discrimination à l’encontre des filles enceintes et mariées sont des formes d’exclusion qui émanent de pratiques ou de réglementations en matière d’éducation et du fonctionnement des écoles.   

Des pratiques néfastes qui subsistent

En outre, les pratiques néfastes qui prévalent dans certains pays en Afrique, telles que le mariage forcé ou précoce des enfants, les mutilations génitales féminines, les pires formes de travail des enfants, la mendicité des enfants etc., empêchent les enfants de jouir de leur droit à l’éducation. L’impact de l’absence de services de santé sexuelle et reproductive sur la pleine jouissance du droit à l’éducation s’observe de manière frappante en Afrique4. En conséquence, les grossesses précoces et le manque d’accès aux serviettes hygiéniques figurent parmi les principales raisons de l’abandon scolaire des filles, ce qui perpétue et accroît la disparité entre les hommes et les femmes dans les classes supérieures5. La prévalence de l’exploitation et des violences sexuelles à l’encontre des enfants et le manque de services pour les survivants est un autre facteur qui oblige les enfants, en Afrique, à quitter prématurément l’école.  

De nombreuses situations d’urgence  

Le droit des enfants à l’éducation est également fortement affecté par les conflits en raison de la fermeture des écoles, des attaques contre les écoles et du recrutement d’enfants dans les forces et groupes armés. Les situations d’urgence telles que les pandémies et les catastrophes naturelles, le changement climatique et les migrations ont entraîné une régression de certains des progrès accomplis dans la réalisation du droit à l’éducation. Des politiques et des stratégies très lacunaires face aux situations émergentes et le manque de préparation aux situations d’urgence, en particulier dans le secteur de l’éducation, exacerbent leur impact négatif sur le droit à l’éducation.  

La pauvreté et le chômage

La pauvreté et le chômage des parents ou des proches qui ont la charge de l’enfant ainsi que l’absence de soutien financier substantiel aux familles de la part des États sont également des facteurs qui privent les enfants africains de leur droit à l’éducation. L’enseignement préscolaire public est très peu développé et principalement assuré par le secteur privé dont les prix sont inabordables pour la plupart des familles en situation de précarité6. De même, la formation professionnelle est peu valorisée et coûteuse pour les élèves qui sortent du système scolaire classique.

Pourquoi célébrer cette Journée de l’enfant africain ?

Célébrer la Journée de l’enfant africain, c’est se souvenir du massacre d’enfants au cours de l’apartheid en Afrique du Sud et rappeler que chaque enfant, où qu’il soit en Afrique, a des droits. Cette année, le droit d’accéder à une éducation de qualité est mis en exergue. Nous ne célébrons pas seulement les progrès accomplis ; nous appelons à une action collective et renouvelée pour surmonter les défis qui perdurent.

Le BICE et l’OIEC lancent un appel  

En Afrique, une personne sur deux est un enfant7 et la population d’enfants est estimée à un milliard en 2055, ce qui fait du continent, celui comptant le plus grand nombre d’enfants8. que l’investissement dans les enfants est donc essentiel et déterminant pour le développement de l’Afrique.

L’éducation joue un rôle central dans la création d’une société qui tient dûment compte des droits de l’homme, dont les droits de l’enfant font partie intégrante, de la primauté du droit et du respect envers l’autre.

En application de l’article 11 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, des articles 28 et 29 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et pour atteindre l’ODD 4, le BICE et l’OIEC appellent les États africains à :

  • Prendre toute mesure nécessaire et efficiente pour permettre l’accès effectif et durable de tous les enfants sur leur territoire à une éducation primaire obligatoire et gratuite et à une éducation secondaire généralisée et rendue accessible à tous par tous les moyens par l’instauration progressive de sa gratuité ;
  • S’assurer que tous les élèves scolarisés soient « traités avec humanité et respect pour la dignité inhérente de l’enfant conformément à la charte africaine » ;
  • Construire et renforcer les infrastructures éducatives, notamment en s’appuyant et soutenant les institutions locales éducatives ;
  • S’assurer que la formation initiale et continue des enseignants soient de qualité ;
  • Mettre en place des politiques inclusives qui prennent en compte les besoins spécifiques de tous les enfants, y compris ceux qui sont en situation de vulnérabilité ou marginalisés.

En cette journée symbolique, l’OIEC et le BICE s’engagent à travailler ensemble et avec tous les acteurs concernés pour innover et partager leurs pratiques dans le domaine de l’éducation. 


[1] Des enseignants abusent harcèlent sexuellement des élèves, imposent des relations sexuelles, en échange de bonnes notes https://www.thenewhumanitarian.org/fr/actualit%C3%A9s/2008/10/23/%C2%ABlesnotessexuellementtransmissibles%C2%BBtuentlaqualit%C3%A9del%E2%80%99enseignement  4 As above; ACERWC, Assessment of the First Phase of Implementation of Agenda 2040 (20162020), page 95, available at https://www.acerwc.africa/sites/default/files/202210/Agenda2040Assessment%20of%20the%20first%20phase%20of%20implementation%2020162020_1.pdf  

5 Comme 3. ; CAEDBE, Évaluation de la première phase de mise en œuvre de l’Agenda 2040 (2016-2020), page 95,  disponible à l’adresse :https://www.acerwc.africa/sites/default/files/2022-10/Agenda2040-Assessment%20of%20the%20first%20phase%20of%20implementation%202016-2020_1.pdf